Les chevaux du lac Ladoga
#35. (24 po / 61 cm)
De l’écrivain Malaparte nous vient le récit de la mort tragique d’un millier de chevaux dans les glaces du lac Ladoga, en Russie, durant l’hiver 1942. Pour échapper à un feu de forêt, provoqué par des bombardements aériens, une horde de chevaux se précipite dans le lac. Malgré la vague de froid, récemment arrivée, le lac n’est pas gelé. Pendant que les chevaux, la tête tendue hors de l’eau, nagent vers l’autre rive, il se fait grand bruit : l’eau gèle subitement, enfermant les bêtes dans une gangue de glace.
Le lendemain, le soleil illumine les crinières rigides, couvertes de glaçons transparents. Immobilisée, chaque tête est une sculpture dont, en d’autres circonstances, on eût admiré la beauté.
« Lorsque la vie et la mort sont si près, qu’elles se chevauchent l’une l’autre, quelle est l’attitude de chacun? Quel serait notre comportement? » – Hubert Reeves
Deux chevaux ailés tourbillonnent l’un sur l’autre : la spirale est si intense que l’on ne sait s’il y a lutte ou entraide. L’un pointe ses naseaux vers le haut, cherchant son air, l’autre secoue sa crinière, exaspéré de ne pouvoir se dégager. Ces équidés n’ont pas de sabots véritables; leurs pattes sont terminées par des griffes qui enserrent des poids, semblables à des sabots, qu’ils peuvent à tout moment délester, afin de prendre leur envol. L’un arbore une parure dorée, dans la crinière, tandis que l’autre est doté d’un anneau à la narine.
Anecdote
Aimant beaucoup les livres de vulgarisation scientifique, j’apprécie particulièrement Hubert Reeves. À la lecture d’un de ses écrits, où il expliquait la fertilité des déséquilibres, me vint l’idée de cette sculpture. Pour illustrer l’explication de la surfusion (phénomène d’instabilité physique), il rapportait ce récit de Malaparte. Cette histoire me plongea dans des réflexions philosophiques sur l’homme, sur la vie, sur la mort.
La surfusion : Lorsque le refroidissement se fait rapidement, une eau très pure peut descendre en bas du point de congélation et rester liquide longtemps. Mais quelques grains de sable, jetés brusquement dedans, déclenchent un gel immédiat. De même, une eau chauffée rapidement ne bout pas nécessairement lorsque la température atteint les 100 degrés Celsius. Cet état est très instable.
