Le Printemps a les mains liées

  • Printemps Rebelle Bas Piaffer

Le Printemps a les mains liées

# 50  (18po/46cm)

Femme moitié cheval moitié désir. Qu’on le veuille ou non, nous sommes de la race animale. Lorsque le désir monte en nous inexorable, douloureux et franc, nous vivons parfois de grandes tensions. Dans les pays de froidure, le printemps se sent presque physiquement. IL est là, palpable jusque dans nos veines. Cette pièce a été faite au printemps.

Anecdote 

Souvent, je ne comprends pas tout de suite les sculptures sur lesquelles je travaille.

Lorsque je réalisais Le Printemps, j’ignorais ce que j’allais créer. J’avais déjà fait les deux jambes et le corps de cette sculpture et j’aimais leur dynamisme, mais j’ignorais complètement où j’allais. Alors, le soir, après la journée de travail, je me couchais avec l’idée que le lendemain je détruirais ma glaise.

À cette époque, je demeurais à flanc de montagne, dans une maison de trois étages. Nous avions une chienne, moitié malamut moitié husky. Une nuit, elle se mit à aboyer fortement. Du troisième étage, où je dormais, je descendis voir ce qui la troublait. Derrière  la maison, un grand muret d’environ quatre-vingts pieds de long retenait la montagne. Au pied du mur, au centre, courait un porc-épic affolé. Sherpa, la chienne, que des expériences précédentes avait dompté, se contentait de japper. Terrifié, le porc-épic faisait trois pieds dans un sens et, ne voyant pas la fin du muret, tournait sur lui-même pour faire trois pieds dans la direction opposée – la grande panique!

Je fis entrer Sherpa afin d’être certaine que le petit animal ne soit pas tenté de rester. Je remontai me coucher. Après un moment de sommeil, je sentis une haleine chaude sur mon visage. Sherpa, qui était en fait, une grosse chienne paresseuse, était devant moi!  En dix ans, jamais elle n’était montée au troisième. Je redescendis avec la conviction que l’animal devait être parti et, par la même occasion, je voulais refaire sortir Sherpa, mais le porc-épic était toujours là, prisonnier du muret qu’il s’entêtait à longer de gauche à droite!

Je crois aux signes.

Pourquoi la vie me réveillait-elle deux fois pour me faire voir cet animal qui courait en tous sens? Qu’est-ce que je devais comprendre? Je me suis arrêtée, pensive. Peu importe la direction qu’aurait prise le porc-épic, s’il avait persévéré dans le même sens, il aurait trouvé son chemin.

Je compris : c’était ma sculpture. Il fallait que j’aille voir ce qu’il y avait au bout.

Le lendemain, à ce corps qui piaffait, je mis un cou et une tête dont la courbure rappelait la crinière d’un cheval exacerbé qui essaie de se dégager. Pour les bras, il me semblait évident que je devais les mettre derrière, croisés. L’énergie qui en découlait semblait si vive et irritante qu’elle ne pouvait qu’être contenue: j’attachai les poignets. Puis pour la jambe élevée, celle qui piaffe, il m’a paru naturel qu’elle porte un bas roulé.

Voilà. Après j’ai essayé de comprendre.